mardi 14 juillet 2009

Chute de population et savoir : les exemples dans l'histoire

Monsieur Nicolas Sarkozy ne parle quasiment plus d'écologie sans faire référence au livre de Jared Diamond, Effondrement (1)

Krach, le suicide du monde. Jean Bourgeois-Pichat a calculé que le monde pourrait ne compter que 2 personnes en 2 470


Nombre d'enfants par femme


Le suicide du monde:


L'image


[Europe-hiver.jpg]


Les dominateurs du monde trouvent que la crise ne va pas assez vite vers le bas...

La crise 2008 déjà annoncée en 1989 lors d'un grand congrès à Lausanne, notamment par les facteurs démographiques.

Le livre: " Europe: l'hiver démographique" en parlait déjà en 1989. ( Edition l'age d'homme, Lausanne et Paris )

Les courbes de population utilisées qui y étaient utilisées était notamment celles de Jean Bourgeois Pichat.


Ces graphiques mis en conclusion du livre démontrait que si aucune réaction sérieuse n'intervenait, nous aurions un maximum de population vers 8 milliards autour de 2040 puis l'effondrement d'une population vieillie retombant en 2100 bien en dessous du niveau actuel. En vérité nous devons faire face aux deux problèmes à la fois et, sur le plan écologique, aboutir à de vrais efforts en matière de respect de la nature, de lutte contre les gaspillages, d'éducation des populations.

"La France deviendra dans moins de 20 ans la colonie de ses anciennes colonies"...?
(Vladimir Poutine - interview Agence TASS - Septembre 1995)

Vladimir Poutine a dit aussi :

"Bien sûr que je suis un pur et absolu démocrate ! La tragédie, c'est que je suis le seul pur démocrate au monde. Depuis la mort du Mahatma Gandhi, je n'ai plus personne à qui parler"

(Sources: Courrier International, Quid.fr)


Quelques réflexions importantes:

Chute de population et savoir : les exemples dans l'histoire
par
Anselm Zurfluh
Docteur en Histoire
1. Introduction
Le monde industrialisé est accoutumé depuis 40 ans à l'idée que la croissance démographique est une très mauvaise chose et qu'il faut la freiner à tout prix. Ainsi, avec une population en diminution - à la limite, stable - le monde se portera mieux : moins de famines et moins de sous-développement, moins de pollution et peut-être plus du tout de guerres. C'est, à regarder de plus près, le dernier avatar du vieux problème de la promesse du paradis, paradis qui est toujours ailleurs.
L'ennuyeux dans cette description idyllique d'un monde sans trop-plein d'humains est qu'il sera certainement plus près de l'enfer que du paradis. Et ceci parce que l'hypothèse "baisse de population égal meilleure vie" est tout bonnement fausse.
Et contrairement aux tenants et défenseurs de ces théories fausses il est possible de démontrer, d'une façon raisonnable et raisonnée qu'une baisse de population quelqu'elle soit et quelque soit l'endroit où elle est intervenue, a toujours été néfaste pour les hommes.
Ces quelques lignes essayeront de la montrer à travers une seule variable : le savoir.
Reprenons les poncifs à la mode : beaucoup de gens entraveraient le bon apprentissage du savoir, ferait s'appauvrir l'homme culturellement alors que l'éducation serait d'autant plus soignée que dispensée à peu de personnes. Il va sans dire que cette assertion est juste quand il s'agit de l'éducation concrète : une classe de 10 élèves progresse plus rapidement sur le chemin du savoir qu'une de 40. Mais cette idée, telle qu'elle est habituellement entendue, s'applique à l'ensemble d'une population, et là, elle est fausse.
De quoi dépend alors le savoir chez l'homme ? Comme toujours, d'un ensemble de facteurs biologiques et culturels dont nous montrerons les grandes lignes avant de vérifier, dans les faits historiques, leur pertinence.
2. L'homme et le savoir
L'homme n'est pas l'être unidimensionnel auquel maints philosophes veulent toujours le réduire. Pour notre propos, il est essentiel de le voir au moins sous trois aspects - qu'on peut, pour le besoin de l'enquête, dissocier mais qu sont bien entendu intrinsèquement liés : le biologique, le culturel, le social.
la base biologique... (1)
Le naturaliste Linné, en 1758, a défini l'homme comme "animal rationale, loquens, erectum, bimanum". Bien que cette définition n'englobe pas la totalité des caractéristiques humaines, elle en dessine l'essentiel : l'homme est un animal qui se tient debout ce qui lui permet de se servir de ses deux mains sans entrave et qui est doté d'une langue et d'une rationalité, propre à l'espèce. Or, langue et pensée sont tributaires du cerveau : et celui-ci est le facteur central qui différencie l'animal "homme" de l'animal tout court. Le fonctionnement du cerveau explique donc l'homme.
En effet, chaque animal, et donc l'homme, a à sa disposition deux sortes d'informations. Les unes, contenues dans le code génétique, sont transmises de génération en génération. Il s'agit principalement de l'architecture interne et externe du corps, mais aussi, et ceci est important, d'informations incluses dans l'organisme et qui le feront, le cas échéant, réagir d'une façon pré-déterminée face à des stimulations reçues de l'extérieur.
La deuxième sorte d'informations ne vient pas du code génétique, mais parvient, à travers les récepteurs, au cerveau qui traite cette information d'une manière autonome.

Le propre de l'homme est qu'il fonctionne principalement à travers et avec les informations non-génétiques et donc apprises. Ce qui veut dire que l'homme ne vivra jamais grâce à ses instincts - qui sont d'ordre génétique ou inné - mais uniquement parce qu'il a la faculté de maîtriser le savoir.
... amène des évidences culturelles...
Ce constat banal donne la première clef pour la compréhension de notre problème : si l'homme veut vivre, il doit d'abord se programmer, donc apprendre. C'est ainsi que les enfants sont pendant une longue période tributaires des adultes avant de pouvoir survivre par leurs propres moyens.
Si l'apprentissage par mimétisme suffit dans un premier temps pour faire un homme, très vite, en fait à partir du moment où l'organisation sociale et culturelle d'un groupe dépasse un certain seuil, il est nécessaire d'y inclure une éducation plus poussée, qui passe forcément par l'école. Dans ce cas, le processus de reprogrammation culturelle devient de plus en plus compliqué, long, onéreux, sans que l'homme ait la possibilité d'arrêter ce processus, puisqu'il emporte tout son savoir acquis dans la tombe, ce dernier n'étant pas inscrit dans les gènes. D'autre part, étant donné que l'homme ne peut survivre sans sa mémoire culturelle, les humains sont obligés biologiquement d'avancer culturellement - ou au moins de rester au même niveau. Et ce fait nous contraint pratiquement de remplacer les générations : car il est peu probable que moins d'enfants puissent apprendre globalement la même quantité de savoir que les générations précédentes plus nombreuses; à moins qu'on table sur une intensification de la retransmission du savoir, qui , de toute façon, a aussi ses limites.
Il apparaît donc clairement à partir de ces exigences d'ordre bio-culturelles qu'une population a plutôt intérêt à favoriser une certaine croissance, même légère, qu'une diminution de son nombre, si elle veut accroître - ou même garder - sont potentiel intellectuel.
... qui ne sont réalisables qu'en société.
L'homme n'a jamais vécu seul. Il en est incapable. Même l'ermite isolé a bénéficié, à un moment donné du concours de ses proches, du savoir des ses ascendants, de la société donc.
Si l'apprentissage est une obligation inhérente à la condition humaine, la société en est le support incontournable. Mais, les modalités peuvent être bien différentes : entre une société primitive et industrielle, la comparaison s'avère difficile. Non certes pas en ce qui concerne les hommes en tant qu'hommes : là, aucune différence; mais dans leur organisation propre. Or toutes les différences se trouvent à ce niveau. Aujourd'hui, nous constatons qu'il y a des organisations qui ont amené leur société à l'ère de l'industrie, de la science, à travers un progrès, non linéaire mais néanmoins continu, depuis au moins huit siècles. Tandis que d'autres sociétés essayent de rattraper le retard ou encore, restent complètement à l'écart de ce phénomène.
Si on examine maintenant les causes de ces disparités constatées, on est amené, peu ou prou, à réduire les possibilités à une constante : le savoir.
En effet, nul doute que le degré de civilisation est étroitement corrélé avec la qualité et la quantité du savoir; ou autrement dit, avec l'information susceptible d'exister, de circuler, d'être utilisée dans une certaine région.
Cela est patent si les étapes obligatoires qu'il faut franchir pour accéder à la civilisation moderne (2) sont pris en compte.
1)    La société traditionnelle est agricole et le niveau scientifique est pré-newtonien. La technicité est nécessairement limitée, la différentiation dans le travail également. Cette société peut avoir une certaine croissance économique, mais elle sera faible puisqu'il manque le pôle entraînant et l'utilité pratique. Le savoir, dans une telle société, reste stationnaire.
2)    La condition préalable à un décollage économique est une certaine pression qui se fait à l'intérieur des sociétés elles-mêmes. Cette pression correspond à la mise en place de structures sociales et économiques qui peuvent, éventuellement, intégrer les progrès de la science et de la technologie.
3)    Après quoi, la phase de démarrage devient possible, mu par un groupe social restreint mais essentiel : c'est le rôle de la bourgeoisie en Europe aux XVIII-XIXe siècle, et la bourgeoisie, dans son ensemble, est la couche la mieux éduquée de la population.
4)    L'industrialisation de régions entières se réalise maintenant : l'ensemble des techniques modernes s'intègre dans le processus économique.
5)    La dernière étape est celle de la "consommation de masse", à partir de 1950 pour l'Europe, où le potentiel technico-économique est utilisé pour satisfaire les besoins sociaux et individuels. Sans entrer dans les détails, il est évident que le pôle dur de ce développement est constitué par un savoir théorique - la science - et pratique - la technique - mis en relation étroite et exploité au niveau production par l'industrie.
3. Les exemples de l'histoire
C'est le savoir qui fait avancer le monde. Le savoir ne se conçoit pas sans homme. D'où la question légitime : est-ce que le savoir est corrélé avec le nombre de cerveaux ou pas ?
Au niveau pratique, (en théorie, les conditions bio-culturelles le suggèrent, comme nous l'avons vu) seul l'histoire peut fournir une réponse et elle est sans équivoque : oui.

Les leçons de l'histoire : augmentation de la population égale progrès, diminution de la population égale décadence... (3)

Si le savoir n'est pas dépendant du nombre des cerveaux disponibles, l'histoire devrait nous apporter, ici et là, les exemples d'une réussite socio-culturelle distribuée au hasard, donc dans de petits ensembles démographiques comme dans les grands.
Or, tel n'est pas le cas : les seules populations qui émergent au-dessus de la moyenne, sont toutes réunies dans des ensembles démographiques conséquents. C'est déjà le cas pour le miracle de l'émergence d'une société sédentaire et stable du Croissant Fertile , entre 9000-8000 ans avant Jésus Christ. C'est la seule région du monde où il y a, à cette époque, 1 million de personnes rassemblées, en contact permanent donc. C'est là où le blé devient la base de la nourriture, où les premières villes se construisent et où des embryons d'états se constituent.
1000 ans avant Jésus Christ, la même région (vallée du Nil, Delta, Croissant Fertil, Mésopotamie, Asie Mineure) compte 20 millions d'habitants et c'est le domaine des grands Empire et des premières grandes cultures.
La Chine, autre foyer de savoir précoce, se construit d'après les même règles, mais avec un retard de près de 4000 ans.
Alors que l'Europe, beaucoup moins densément peuplée, ne se signale par rien, sinon par son état barbare comparé à ces deux ensembles de culture avancée.
Le même phénomène de la concentration des savoirs grâce à une masse de cerveaux au-dessus du seuil critique se renouvelle plus tard pour le monde gréco-romain.
Deux phénomènes s'observent parfaitement. D'une part, l'exception grecque : en effet, la Grèce ne comprend pas seulement la péninsule mais aussi toutes ses colonies et citées indépendantes autour de la Méditerranée. Et ce monde étalé, sur des distances énormes pour l'époque, garde sa cohérence et tire sa force de sa langue commune et de ce fait, du potentiel qu'est un échange continuel de savoir. D'autre part, Rome plus tard, lors de sa décadence, montre qu'il ne peut y avoir de civilisation avancée avec une population déclinante : à l'époque augustéenne avec ces 55/60 millions d'habitants ne suivent que 25/30 millions pour le Bas Empire. Et l'effondrement se poursuit, aboutissant à notre Moyen Age, où la forêt a regagné la majeure partie de l'ancienne Empire Romain : la Gaule par exemple chute de 10/12 million d'habitants vers 150/180 à 3 millions au VIe siècle ... Personne n'osera interpréter cette chute comme positive pour l'humanité. Et s'il n'y avait pas eu l'église et ses couvents, les acquis culturels de l'antiquité auraient été irrémédiablement perdus.

Un nouveau départ est pris avec le Monde Plein de l'Europe de la fin du Moyen Age. Le Monde Plein, comme l'aime à dire Pierre Chaunu, c'est une surface de près de 2 millions de km2, défrichée à 80 %, constituée de 150'000 clochers, peuplée d'une densité de 30 à 40 habitants au km2. C'est au XIIIe siècle, pour la première fois après l'effondrement de la civilisation antique, que le seuil de la concentration de l'intelligence et de la communication est de nouveau atteint. Et c'est parti pour la poussée civilisatrice la plus brillante que le monde n'ait probablement jamais connue - et que nous sommes en train de démolir.
Autre et dernier exemple et celui-ci d'une cruauté exemplaire : les empires amérindiens qui s'effondrent sous l'impact du choc viral et bactérien importé par les Conquistadores espagnols. Cet effondrement, somme toute politique et militaire, s'accompagne d'un effacement complet de toute cette culture brillante, liée à ces empires. Les Aztèques, Incas et autres peuples disparaissent jusque dans leurs langues. Rien ne subsiste de leurs acquis scientifiques et culturels. Or, il faut savoir que ceci est directement lié à l'effondrement démographique sans pareil dans l'histoire : l''ensemble de la population du Mexique Central, entre 1518 et 1608, chute, par exemple, de 15 millions d'âmes à moins de 2 millions; l'ensemble des populations américaines passent de 80 millions en 1520, à 10 millions en 1570. Ce qui nous intéresse ici, c'est de constater que le savoir n'a pas pu être sauvé : la culture amérindienne a été anéantie par cette catastrophe démographique.
Pour finir ce rapide survol, résumons la leçon de l'histoire : il faut une certaine densité sur une certaine surface avant qu'une croissance qualitative se fasse déceler, et de l'autre côté, dès que cette densité diminue par suite d'une chute de a population, les acquis culturels, techniques et économiques disparaissent.
Cette loi ne connaît aucune exception jusqu'à aujourd'hui.
L'explication : Malthus doit être lu à l'envers ... (4)
Il est donc acquis que ce n'est pas tellement une augmentation de la population - dans les limites du raisonable, bien sûr - qu'il faut craindre, mais plutôt une réduction. Ce qui mérite une explication, puisqu'à première vue, nous avons tendance à penser que plus il y a de personnes, moins il y a de gâteau à partager.
D'autant plus qu'un penseur connu et estimé, Malthus, a formulé sa fameuse loi qui prétend que les populations ont tendances à augmenter d'une manière exponentielle alors que la production ne le fait que linéairement. D'où bien sûr des famines et la réduction forcée du nombre de la population concernée. Malthus a bien vu, puisqu'il a analysé le cas de l'Irlande de son temps. Seulement, il a étudié l'exception sans le savoir. Et le malheur c'est que les média ont repris et popularisé massivement le raisonnement de Malthus en l'extrapolant sur la terre entière
En vérité, la loi de Malthus doit être lue exactement à l'envers.
Une poussée continue et pas trop forte de la population amène presque toujours une production proportionnellement plus élevée. Pourquoi ? Tout simplement, parce que tous les investissements deviennent plus rentables.
1)    Le savoir : dans un monde plein, il est plus facile de communiquer, le savoir circule alors plus rapidement et surtout, la quantité de savoir a tendance à augmenter proportionnellement plus que la population. Ceci surtout parce qu'un groupe d'homme restreint est obligé de "réinventer" tout à chaque génération, alors que le groupe élargi a toujours la possibilité de recourir au savoir d'autrui. Le même processus s'applique à l'éducation : à partir d'un certain seuil de concentration du savoir, il y a un saut qualitatif qui s'opère.
2)    Mais le savoir accru ne sert à rien s'il n'est pas appliqué. Or, une poussée démographique oblige le groupe concerné à être inventif pour survivre en même temps que tous les investissements dits d'infrastructure seront plus rapidement rentabilisés.
3)    Il y a enfin une plus grande stabilité de la société touchée par ce processus ce qui est surtout dû à l'augmentation disproportionnelle dans le secteur productif.
Bien sûr, et ici nous rejoignons l'analyse de Malthus, ce processus ne peut être continué à l'infini. Dans le passé, tous ces cycles de grandes croissances se sont cassés à un moment ou à un autre : l'augmentation de la productivité butte un jour à un seuil qu'on ne peut plus franchir - sauf en changeant radicalement les données, ce qui par exemple s'était passé en Europe au XIVe et ensuite au XVIIIe siècle.
Mais si le changement technique ne peut plus s'opérer, c'est la crise, puisque par ailleurs les moyens de productions voient leur progression diminuer : cela peut être le fait de sols sur-exploités qui n'arrivent plus à se reconstituer de sorte que les rendements baissent.
Répétons cependant que c'est seulement le cas dans la phase finale d'un processus largement bénéficiaire à la société avant ce seuil. Prenons comme ultime exemple celui d'aujourd'hui. Les média y compris les organismes officiels parfois, proclament que l'augmentation de la population entraîne une diminution de la production alimentaire par tête d'habitant. En-dehors de quelques régions, pour lesquelles cette assertion est juste - mais il s'agit toujours de causes non-démographiques telles que les guerres ou des régimes politiques inadéquates - cette vision est tout simplement fausse. Les statistiques officielles sont formelles : depuis 1950, la production alimentaire par tête d'habitant est passée de l'indice 100 (1950) à l'indice 137 (1979). Des pays, tels que les Indes, voués à la famine par les experts dès 1950, ont vu augmenter d'une façon quasi-régulière la disponibilité des produits alimentaires par tête d'habitant, même si la population a doublé pendant les derniers 40 ans, de sorte que les Indes, heureusement, ne sont toujours pas dépeuplées par une sous-alimentation aiguë.
Cette augmentation de la production alimentaire a sa source dans le même phénomène constaté dans nos exemples historiques : une augmentation démographique provoque une meilleure exploitation des ressources possibles grâce à une plus grande rentabilité des investissements, parce que les agriculteurs travaillent davantage pour récolter et vendre, et parce qu'ils recherchent les moyens d'accroître la productivité.
La science est dépendante du nombre de cerveaux (5)
Les exemples historiques et actuels prouvent sans équivoque que le savoir est dépendant du nombre des cerveaux disponibles. C'est vrai pour le savoir pratique, qui est nécessaire dans l'agriculture traditionnelle par exemple, mais c'est aussi vrai quant au savoir théorique et scientifique, qui est le pivot de nos sociétés industrialisées.
Aussi ici, l'histoire fournit des exemples éloquents. Les deux graphiques, sur Rome et la Grèce Antique, démontrent clairement qu'il y a une relation très étroite entre les découvertes scientifiques et le nombre global de la population. Bien sûr d'autres facteurs devraient être pris en compte - et cela pourrait se faire. Le phénomène est cependant d'une telle netteté que cela devient quand-même difficile de nier un rapport entre les deux variables.

L'idée de cette dépendance, d'ailleurs, ne date pas d'aujourd'hui. William Petty, en 1682, écrivait déjà que le développement des connaissances utiles dépendait du plus grand nombre d'émules puisqu'il était plus probable de trouver un homme ingénieux et curieux parmi 4 millions de personnes que parmi 400 ...
Mais il y a plus : ce n'est pas seulement la masse de la population qui est importante, mais aussi sa distribution interne selon les âges. En effet, la plupart des grandes découvertes se font par des gens n'ayant pas encore fêté leur trentième anniversaire : Einstein, Watson, Cricks, Heisenberg et tant d'autres en sont les exemples. Il semblerait que la créativité, génératrice d'inventions serait plutôt l'apanage des jeunes tandis que les vieux maîtres conservent la faculté de guider.
C'est pour cela, entre autre, que les rendements actuels dans la recherche ne correspondent pas aux attentes formulées il y a 20 ans par les milieux scientifiques. Lesquels n'avaient pas péchés tant par optimisme béat que par méconnaissance des effets secondaires d'une natalité en chute libre.
Un rapide coup d'œil sur les chiffres atteste le phénomène massif depuis 20 ans.
Pour la France, le déficit des générations se situe à plus de 1,2 millions de naissances non réalisées; pour l'Allemagne, ce nombre est encore beaucoup plus élevé, de l'ordre de 5,5 millions de non-naissances; pour l'Europe, le déficit cumulé s'élève au-delà de 13 millions ...
Ou si on change de perspective : en 1965 il y avait plus de 1 million de naissance par an en Allemagne, aujourd'hui, c'est la moitié. "L'input" de cerveaux potentiels a donc diminué de 50 %.
Bien sûr, nous sommes seulement au début de ce processus, et si les rendements ont chuté, c'est surtout, parce que le climat psychologique a changé. Cependant, ce changement de mentalité est en relation directe avec la chute de la natalité. Les vrais problèmes, dans ce domaine, comme dans d'autres, sont devant nous. Remarquons simplement, qu'en Suisse, les entrepreneurs sont déjà en train de se lamenter du fait qu'ils ne trouvent plus les jeunes gens en nombre suffisant pour l'apprentissage.
Une telle chute, un tel effondrement est unique dans l'histoire de l'humanité : même la Grèce et Rome, ont étalé leur baisse sur plusieurs dizaines de décénies, voire plusieurs siècles. Le résultat pourtant ne s'était pas fait attendre. On peut donc aujourd'hui craindre le pire de la situation créée par notre propre incapacité à saisir correctement les grands enjeux de notre siècle.
4. Conclusion
L'histoire le démontre, le présent le suggère : savoir et nombre de cerveaux sont liés. Il apparaît donc peu probable que nous allons fabriquer, avec 50 % d'enfants en moins, la société dynamique et généreuse dont les média nous rabattent les oreilles. Il est plutôt vraisemblable que notre avenir sera triste, sans innovations, passéiste.
Généralement, à ce stade, on entend l'inévitable injonction qu'il sera toujours possible de relever le défi en améliorant la scolarisation. Bien sûr, en théorie, c'est possible : en éliminant toutes les matières enseignées et qui ne sont pas directement exploitables (philosophie, littérature, histoire ...) au profit des filières scientifiques; en réduisant le nombre d'élèves par professeur, on peut récupérer une partie du terrain perdu.
La question est seulement si ce scénario est réaliste. La société étant ce qu'elle est, il ne semblerait pas trop probable qu'on puisse faire admettre aux élèves et à la société qu'il faille travailler plus. Hédonisme oblige !
En plus, on n'a jamais pu prouver qu'une société avec moins d'enfants les éduquerait mieux : au contraire, les enfants du baby-boom, par exemple, étaient mieux instruits que leurs prédécesseurs pourtant moins nombreux.
Et l'ordinateur, comme ultime recours ? Je vous ferai remarquer que l'ordinateur n'est qu'une machine. Il faut les hommes pour le faire fonctionner. Il y a donc les mêmes contingences dans ce domaine qu'ailleurs. L'ordinateur ne résoudra pas la crise de natalité.
Que faire alors ? Mais les solutions sont connues depuis des lustres ! Il est en effet effarant de devoir constater que le problème ne date pas d'hier et que les responsables ne font que prendre conscience du danger. Pourtant, des chercheurs, des professeurs au-dessus de tout soupçon, tel que Alfred Sauvy ou Pierre Chaunu dénoncent le danger depuis ... 50 ans pour le premier, 25 ans pour le second.
Et il est navrant de devoir constater (en même temps que c'est un signe positif) qu'un ouvrage de référence, tel que "l'histoire de la population française, 1914-1988", Paris 1988, ne reprend qu'aujourd'hui tous les points forts, développés depuis longtemps par d'autres. C'est que, en vérité, le corps politique, médiatique et intellectuel n'a pas voulu voir la réalité pour des raisons strictement idéologiques .. Or, comme je l'ai dit, les solutions existent : il faudrait maintenir la fécondité à un niveau tel que le remplacement des générations soit assuré ... et un peu plus. Il n'est pas lieu ici de discuter comment on pourrait y arriver. Les moyens sont connus. Il faut les appliquer.
Reste à convaincre les responsables, les média, les citoyens. Ce qui n'est pas une mince affaire.

Anselm Zurfluh

Références:

(1) L'essentiel de ce qui suit est extrait des différentes oeuvres de Pierre Grasse, une bonne synthèse rapide dans : Maiastra, Paris 1979; (2) Je me sers ici du schéma de Rostow, qui est d'ailleurs, excellemment résumé dans : Norbert Beyrard, "la science ou le cheval emballé", in : Maiastra, Paris 1979; (*) L'essentiel de ce qui suit est extrait de Pierre Chaunu, Histoire et décadence, Paris 1981; (4) Voir par exemple les études d'Alfred Sauvy, La théorie générale de la population, Paris 1953, Julian Simon, L'homme, notre dernière chance, Paris 1983, ibid., (éditeur), Resarch in population economics, tome 1/2, Greenwich, 1978/9; (5) Les exemples sont surtout tirés de l'excellent ouvrage de Julian L. Simon

Chute de population et savoir

Anselm Zurfluh


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