POUR L'APPLICATION DU CRÉDIT SOCIAL
QUE PEUT LA SCIENCE ÉCONOMIQUE?
Par Diane Boucher M.Sc. M.A.
La première partie de cet article, publiée dans l'édition Mars-Avril, présentait les caractéristiques marquantes de la pensée de C.H. Douglas qui constituent un paradigme très différent de celui qui sous-tend l'orthodoxie économique. La seconde partie de l'article, publiée dans l'édition Août-Septembre, traitait en détail du diagnostic de la déficience du pouvoir d'achat des consommateurs face aux prix des biens et services de consommation offerts en vente et de l'incapacité du système bancaire de corriger cette déficience. Trois modèles mathématiques très simples illustraient les effets du remplacement du travail humain par le travail de la machine, afin de rendre plus concret ce concept, fondamental dans la théorie de Douglas, et de voir avec les yeux de Douglas le défaut qu'il a identifié. La troisième et dernière partie de cet article décrit les politiques que la théorie du crédit social propose comme solution aux deux problèmes diagnostiqués. Les deux politiques essentielles de l'escompte compensé et du dividende social sont appliquées aux exemples des modèles mathématiques présentés dans la seconde partie de l'article publiée en Août-Septembre. Pour les lecteurs qui n'ont pas en main les modèles du diagnostic, ils sont présentés à la fin de cette troisième partie en les complétant avec les équations des deux politiques.
RÉSUMÉ
C.H. Douglas affirme qu'un défaut dans le système des prix cause un rétrécissement accéléré du pouvoir d'achat et qu'il est impossible de corriger ce défaut dans un système financier où la monnaie est un bien fabriqué et commercé en vue du profit. Selon lui, la correction exige un système financier où le pouvoir d'achat de la monnaie est ajusté par la manipulation directe du niveau des prix et la distribution générale d'un dividende sur la capacité de production nationale. Or, ce diagnostic et cette solution ont été ignorés ou rejetés par les économistes de toutes tendances. Par l'apport de méthodes de modélisation et de simulation appropriées, la science économique peut contribuer à mettre en lumière les particularités de la théorie du crédit social en vue de faciliter sa compréhension et son acceptation et ainsi rendre possible son application.
La solution
"Plus nous sommes convaincus de marcher dans la vérité,
plus nous déployons d'efforts vers notre idéal."
Jean Guitton
Appliquant la démarche de l'ingénieur à la recherche d'une solution, Douglas estime essentiel d'établir avant tout le but et les objectifs auxquels doit répondre une solution dans l'ordre économique.
Le but du système économique, Douglas le définit comme la réponse facile et rapide aux besoins économiques par une activité fonctionnelle des hommes et des femmes dans l'ordre économique, activité soutenue par une organisation économique qui respecte l'individualité et n'empiète pas sur les autres activités fonctionnelles (Douglas 1924b).
Les objectifs qui découlent du but du système économique, Douglas les définit comme suit (Douglas 1920a):
- produire un programme défini répondant aux nécessités de la vie (nourriture, vêtement et logement) avec une dépense minimale d'énergie;
- poursuivre la substitution des forces de la nature à l'effort humain par le biais de la machine;
- distribuer équitablement la totalité de la production;
- fournir la plus puissante motivation possible à l'efficacité.
Il est remarquable de souligner la dimension "développement durable" des objectifs formulés par Douglas en 1920.
Les politiques essentielles
Si C.H. Douglas a formulé plusieurs politiques économiques dont l'application répondrait aux principes généraux d'un système financier qui reflète la réalité de la capacité de production et distribution des biens et services de consommation, il précise que deux de ces politiques sont essentielles et, bien que les méthodes d'application puissent varier, elles doivent être appliquées toutes les deux.
La première de ces politiques essentielles est l'abaissement du niveau des prix de détail sous le coût de production par une remise au consommateur (Douglas 1920a, 1920b, 1924a, 1930a et 1931a) ou un escompte au consommateur compensé au producteur (Douglas 1920b et 1922b). La seconde politique est la distribution générale de pouvoir d'achat correspondant au gain de productivité sous forme d'un dividende sur le capital réel national (Douglas 1920a, 1922b, 1924a et 1931a).
Ces deux politiques ont comme caractéristique de fournir du pouvoir d'achat non inclus dans les coûts de production et donc non inclus dans les prix (Douglas 1922a). Car C.H. Douglas a observé les mécanismes correcteurs déjà existants dans le système économique et il propose une adaptation de ces mécanismes en relation avec sa conception du crédit réel et de son reflet, le crédit financier (Douglas 1924a).
L'abaissement du niveau de prix sous le coût de production
L'application d'un prix compensé ou escompte compensé réfère à la notion de juste prix ou vrai coût de la production, qui est le coût énergétique de la production et non son coût comptable. Le prix à payer à la caisse pour les biens et services de consommation n'est donc pas leur prix comptable, mais est une fraction minime de ce prix comptable, inférieure au coût de la production (Douglas 1929a). Douglas précise que les politiques du prix compensé et de l'escompte compensé ne fixent pas les prix, elles ajustent le niveau des prix. La distinction est importante, car l'ajustement du niveau des prix respecte les lois de la concurrence alors que la fixation des prix les contrecarre (Douglas 1930a).
La méthode d'abaissement du niveau des prix généralement suggérée par Douglas est le prix compensé (Douglas 1920a, 1920b, 1924a, 1925, 1930a et 1931a). Cette méthode consiste à laisser le consommateur payer le prix comptable lors de l'achat des biens et services et par la suite, sur présentation de pièces justificatives, à lui faire une remise correspondant à la différence entre le prix comptable et le vrai prix ou "juste prix" des biens et services achetés (Douglas 1929a)
Dans un schéma d'application ébauché pour l'industrie minière britannique, Douglas présente une autre méthode d'abaissement du niveau des prix qui est l'escompte compensé (Douglas 1920b et 1922a), laquelle est la méthode généralement reprise par les autres auteurs. Suivant cette seconde méthode, un escompte national sur tous les prix de détail est périodiquement décrété de sorte que le consommateur paie non pas le prix comptable, mais le "juste prix" des biens et services achetés et qu'ensuite, sur présentation de pièces justificatives, les producteurs obtiennent une compensation correspondant à l'escompte accordé aux consommateurs sur les biens et services vendus (Douglas 1930a).
En reprenant le modèle 2 de l'économie agricole qui a traduit le gain de productivité résultant de l'introduction d'outils en une production multipliée par 4, on observe une déficience du pouvoir d'achat (S L), les salaires distribués, face aux prix des biens et services de consommation vendus (PC), qui s'établit comme suit:
S L = 1600 < 5760 = PC
Le vrai coût ou juste prix se calcule alors comme une fraction du coût de production, où la fraction utilisée est égale au rapport de la consommation totale (PC + 0,05 × P K + 0,10 × PCI = 5760 + 60 + 40 = 5860) à la production totale (PXS = 8000). La fraction résultante est 0,7325 provenant de la division de 5860 par 8000 (DSCR = 5860 / 8000 = 0,7325). Le vrai coût ou juste prix est donc un peu moins de 75% du coût de la main-d'œuvre, qui est le seul coût direct dans cet exemple, soit 1172 (JPC = 0,7325 × 1600 = 1172).
Les hypothèses posées pour ces calculs établissent que : les biens et services destinés aux consommateurs sont consommés dès leur vente, y compris les biens durables, et cette consommation constitue le coût de maintenance de la main-d'œuvre; les biens d'équipement sont dépréciés au taux de 5% de la valeur comptable du stock de ces biens d'équipement (P K = 2 × 600 = 1200); les pertes de biens intermédiaires et les consommations finales de biens intermédiaires tels l'électricité ou le combustible à chauffage ou l'essence sont de l'ordre de 10% de la valeur comptable des biens intermédiaires utilisés dans le processus de production.
Les consommateurs paieront 1172 unités numéraires pour des biens et services marqués au prix de 5760 unités numéraires. Dans l'hypothèse où tous les biens de consommation sont vendus, l'escompte qui est ainsi globalement consenti est égal à la différence entre le prix de vente des biens et services de consommation (prix comptable) et le prix payé à la caisse (juste prix), soit 4588 unités numéraires, et la compensation globalement payée aux vendeurs est elle-même égale à ce montant.
Le taux d'escompte calculé au plan national est 73,25%. Comme il est appliqué au coût de production, on remarquera que le taux d'escompte sur le prix de détail est plus élevé, à 79,65%, étant le rapport de l'escompte accordé au prix comptable des biens de consommation vendus (DSC / PC = 4588 / 5760 = 0,7965). Ces chiffres sont compatibles avec les estimés que l'on peut déduire de l'un des rares modèles mathématiques publiés par Douglas (Douglas 1931a) et qui établissent à environ 95% du prix comptable le coût du capital qui doit être retiré du prix des biens et services destinés aux consommateurs.
Par ailleurs, il est intéressant de vérifier que dans le modèle 1, celui d'une économie de cueilleurs, il y a place pour un escompte, même si le pouvoir d'achat des consommateurs est suffisant pour acheter les biens et services de consommation au prix marqué. Le taux d'escompte national est 74%, étant le rapport de la consommation totale (PC + 0,10 × PCI = 1440 + 40 = 1480) à la production totale (PXS = 2000), c'est-à-dire DSCR = 1480 / 2000 = 0,74. Le juste prix des biens est 1184 unités numéraires (JP = 0,74 × 1600 = 1184), valeur très proche du juste prix calculé dans le modèle 2, puisque les salaires distribués sont les mêmes dans les deux modèles. L'escompte globalement consenti aux consommateurs et la compensation globalement payée aux vendeurs se chiffrent à 256 unités numéraires. Les consommateurs paient donc le juste prix et le taux d'escompte sur les prix de détail est d'environ 20% (DSC / PC = 256 / 1440 = 0,1778), ce qui correspond au coût des biens intermédiaires non encore consommés dans le processus de production, dans cette économie où il n'y a pas de biens d'équipement dont le coût viendrait gonfler les prix des biens destinés à la consommation finale.
La distribution des gains de productivité
Douglas affirme que les structures productrices ne peuvent prétendre être les seuls canaux de distribution du pouvoir d'achat, car elles s'approprient ainsi l'héritage culturel communautaire et l'incrément d'association. Selon Douglas, cet incrément non gagné repose de façon inaliénable sur une base de capital et non pas de travail et de ce fait, c'est le dividende qui est le véhicule de distribution de l'incrément d'association (Douglas 1922b). Le dividende est donc le successeur logique du salaire, et un successeur doté de privilèges, car alors que le salaire est une distribution de pouvoir d'achat révocable par autorité, le dividende est le paiement absolu et inconditionnel d'un dû (Douglas 1920b).
Selon la description que donne Douglas du mécanisme du dividende national, tous les citoyens et citoyennes d'un pays —hommes, femmes et enfants— se partagent également des actions représentant le capital réel national. La valeur monétaire de ces actions s'apprécie avec l'appréciation du capital national, c'est-à-dire avec le développement de la capacité de production nationale. Ces actions paient un dividende périodique correspondant à la division de la différence entre la capacité de production globale (et pas seulement la production globale réalisée) et la consommation globale d'une période donnée, car le bénéfice obtenu de la capacité de produire est l'excédent de la production sur la consommation pour la période en question.
En ce sens, le dividende global égale le prix à payer global des biens et services de consommation en excédent des traitements et salaires, puisque par hypothèse ces traitements et salaires sont équivalents au coût de la consommation des biens et services encouru par les dépenses dues à l'emploi ou, dans les mots de Douglas, au coût de la maintenance de la population productrice. Autrement dit, la somme des traitements, des salaires et des dividendes sociaux permet de liquider les coûts de tous les biens et services de consommation disponibles pour la vente. Le dividende national équivaut donc à la monétisation de la portion d'énergie non humaine engagée dans la production alors que les traitements et salaires correspondent uniquement à la portion, congrue, de l'énergie humaine utilisée dans la production. Une telle distribution de pouvoir d'achat indépendamment de l'emploi doit être implantée graduellement à partir d'une valeur initiale plus ou moins arbitraire pour laquelle Douglas a suggéré quelques méthodes de calcul (Douglas 1924a et 1931a).
C'est le modèle 3, celui de l'économie agricole qui a traduit le gain de productivité en diminution de la main-d'oeuvre, qui fournit un bon exemple de cadre de calcul du dividende périodique. En privilégiant, pour les fins de l'exemple, l'interprétation qui définit le dividende comme la monétisation de la portion d'énergie non humaine engagée dans le processus de production, alors le dividende global est 1200 unités numéraires, c'est-à-dire la différence entre la valeur ajoutée et les salaires distribués (1600 − 400), à répartir entre tous les individus formant la population. En divisant par 240, le chiffre de la population, on obtient un dividende individuel de 5 unités numéraires.
Le pouvoir d'achat total de la population se calcule alors comme suit : les quarante travailleurs reçoivent leur salaire et le dividende (40 x (10 + 5) = 600 unités numéraires), alors que les deux cents non-travailleurs reçoivent le dividende seulement (200 x 5 = 1000 unités numéraires), pour un total de 1600 unités numéraires. Le pouvoir d'achat est ainsi restauré à sa valeur antérieure, bien que la contribution de l'énergie humaine à la production ait diminué. Avec un tel pouvoir d'achat en face à des prix à payer à la caisse, qui sont de 1232 unités numéraires après application de l'escompte, la demande effective pourra augmenter jusqu'à égaler la capacité de production ou jusqu'à saturation des besoins de la population selon la première de ces deux occurrences à survenir.
Le juste prix est calculé comme suit dans le modèle 3 : le taux d'escompte national est 77%, étant le rapport de la consommation totale (PC + 0,05 × P K + 0,10 × PCI = 1440 + 60 + 40 = 1540) à la production totale (PXS = 2000), c'est-à-dire DSCR = 1540 / 2000 = 0,77. Le juste prix des biens est 1232 unités numéraires (JP = 0,77 × 1600 = 1232).
L'objection de l'inflation
L'inflation est l'objection qui est toujours apportée à l'encontre des politiques principales de la solution de Douglas. En réponse à cette objection, Douglas établit d'abord la différence entre une augmentation du pouvoir d'achat et l'inflation de la monnaie et l'inflation des prix (Douglas35). L'inflation est une augmentation du nombre d'unités de monnaie accompagnée par une augmentation équivalente des prix; elle n'altère pas la relation entre la monnaie à dépenser et les prix. Une augmentation de la monnaie à dépenser n'est pas de l'inflation à moins qu'elle n'entraîne une augmentation des prix. Lorsqu'il y a une augmentation de la monnaie à dépenser accompagnée d'une baisse des prix, il y a accroissement du pouvoir d'achat.
Puis Douglas distingue deux façons de fournir plus de pouvoir d'achat au consommateur: premièrement, le cadeau monétaire ou augmentation de la monnaie entre les mains des consommateurs et deuxièmement, la réduction des prix de détail sous le coût de production (Douglas 1922a) ou une combinaison des deux.
La méthode de l'abaissement des prix est jugée par Douglas plus pratique que le cadeau monétaire, car elle met en oeuvre le pouvoir d'achat seulement au moment où il est désiré, c'est-à-dire au moment de l'achat, et elle est psychologiquement mieux adaptée, car elle évite de doter soudainement le consommateur d'une quantité de monnaie de consommation plus grande que celle à laquelle il est habitué (Douglas 1922a). Douglas affirme que l'abaissement du prix avec compensation soit au consommateur soit au producteur n'est pas inflationniste, parce que l'abaissement s'applique au coût de production, qui répond au premier canon du système de prix, et non au prix de vente, qui répond au second canon du système de prix (Douglas 1930a).
De plus, si l'on tient compte de la polarité des flux monétaires, ni le prix compensé ou escompte compensé ni le dividende national ne peuvent être inflationnistes, parce qu'ils n'entrent pas dans les coûts de production et donc pas dans les prix. La compensation au consommateur ou au producteur et le dividende sont des flux de polarité négative: ils ne créent pas de coûts, ils liquident des coûts.
Il faut aussi comprendre, dans le cas du dividende, que Douglas fait augmenter le dividende tout en réduisant soit les heures de travail soit le nombre d'employés. Le dividende remplace des salaires disparus. De plus, comme le dividende est prédominant et que sa base de distribution est beaucoup plus large que celle du salaire, on peut croire qu'il reste peu de jeu pour l'inflation des prix.
Finalement, puisque dans l'hypothèse douglasienne il y a surproduction de biens d'équipement, de biens pour exportation, de biens inutiles, la production globale d'un pays devrait diminuer avec l'implantation des politiques douglasiennes diminuant du même coup l'assiette d'augmentation potentielle des prix.
Les politiques subsidiaires
Si le prix compensé ou l'escompte compensé et le dividende national sont les politiques majeures de la solution, elles entraînent la mise en oeuvre de quelques politiques subsidiaires qui facilitent leur application. Au moins trois autres politiques viennent à l'appui des premières tout en leur étant subordonnées.
La correction du déficit de pouvoir d'achat accumulé
La correction du déficit accumulé de pouvoir d'achat est un savant mélange d'un escompte sur les prix de détail plus important qu'il ne le serait suivant les statistiques de la production et de la consommation et d'un dividende initial plus élevé ou d'un dividende régulier augmentant plus vite que la productivité, dividende accompagné d'une baisse de l'emploi ou d'heures de travail réduites.
Par exemple, dans une ébauche de plan pour l'Écosse (Douglas 1924a), Douglas suggérait un escompte de départ d'au moins 25%, un dividende initial égal à 1% du capital national et une réduction des heures de travail sans réduction du nombre d'employés. Dans ce plan ébauché pour l'Écosse comme dans une précédente ébauche de plan pour l'industrie minière britannique (Douglas 1920b), Douglas considère comme une transition rapide et en douceur une substitution croissante des salaires par le dividende tout en conservant les personnes à l'emploi avec des heures de travail réduites (Douglas 1922a).
Les mesures transitoires sont appliquées jusqu'à assurer au moins la quantité minimale de crédits d'achat prévue par le premier principe de solution dont l'énoncé peut être trouvé en annexe.
Et puisque le déficit de pouvoir d'achat accumulé au fil des années correspond assez bien aux dettes accumulées durant ces années pour la production des biens de production tant publics que privés, corriger ce déficit accumulé implique entre autres de convertir la dette nationale en actif national, par les écritures comptables appropriées, et de répartir cet actif entre les habitants du pays d'une façon graduelle qui empêchera l'inflation des prix.
Les taxes et impôts abolis
Dans le système économique actuel, il y a deux façons de retirer la monnaie, il existe deux canaux de retrait de la monnaie: premièrement, par l'achat des biens et services de consommation privés et deuxièmement, par les impôts et taxes qui correspondent à peu près à « l'achat » des biens et services de consommation publics.
En conformité avec la dernière partie de l'énoncé du premier principe de solution, qui apparaît en annexe, il pourrait n'exister qu'un seul canal de retrait de la monnaie de consommation qui soit le prix des biens et services de consommation privés. Le paiement de la consommation des biens et services publics serait alors réalisé à même une réduction de l'escompte qui serait autrement accordé sur les prix des biens et services de consommation privés et les taxes et impôts seraient abolis.
L'alternative à l'abolition des taxes et impôts est l'application d'un escompte aux taxes et impôts, de façon à ce qu'ils reflètent exactement la consommation des biens et services publics.
La monnaie sans dette ni intérêts
Pour être retirée au rythme de la consommation, la monnaie doit être exempte des contraintes de retour à des dates fixes tel qu'établi par les actuelles politiques bancaires de remboursement des prêts, avances de crédit ou autres formes de création de la monnaie. En ce sens, la monnaie mise en circulation sous forme de crédit aux producteurs ou aux consommateurs ne peut être une dette, puisque son retour n'est pas une obligation arbitraire, mais est la « complétion » d'un cycle normal de circulation du producteur au consommateur avec retour au producteur à travers les prix des biens et services de consommation, ou d'un producteur à un autre producteur à travers les prix des biens et services de production.
Pour venir au rythme de la production, la monnaie doit avoir une dynamique qui n'est pas entachée par l'effet d'accélération dû aux intérêts. Les intérêts, nonobstant leur nature de profit d'entreprise pour les banques et de récompense pour les déposants, conservent de la monnaie dans le système et la redistribuent, ce qui peut aller à l'encontre des autres mécanismes de distribution prévus. Les intérêts alimentent généralement l'épargne qui est définitivement écartée du circuit de la consommation, accélérant la venue de nouvelle monnaie pour remplacer cette monnaie qui devrait être retirée du système par la voie normale des dépenses de consommation.
D'autre part, d'un point de vue éthique, puisque le crédit réel est social, qu'il est de propriété commune, le crédit financier ne peut être créé ou annulé que par un organisme responsable devant la société quoiqu'indépendant du gouvernement. Dans un tel contexte, les actuelles institutions financières pourraient agir à titre de mandataires de la société pour la circulation du crédit financier, qu'elles obtiendraient de l'organisme responsable pour le transmettre aux producteurs et aux consommateurs, et qu'elles retourneraient à l'organisme responsable, lorsqu'il leur est retourné par les producteurs en provenance des consommateurs ou d'autres producteurs.
Le réseau bancaire existant remplirait alors véritablement son rôle de fournisseur de services d'intermédiation financière, tout en mettant à la disposition de l'organisme central créateur de la monnaie toutes les infrastructures administratives et technologiques qui sont les siennes. Les institutions membres de ce réseau d'intermédiateurs financiers devraient, comme toute entreprise privée, se financer avec les revenus provenant des frais de services et pourraient obtenir des crédits d'emprunts aux mêmes conditions que les entreprises de tous les autres secteurs de production de services ou de biens.
CONCLUSION
Les trois modèles mathématiques présentés dans cette troisième et dernière partie de l'article expliquent la solution au diagnostic de C.H. Douglas en séparant les politiques : l'escompte compensé est appliqué dans l'exemple du modèle 2, où la production est multipliée par un facteur 4, puis dans l'exemple du modèle 1; le dividende social est appliqué dans l'exemple du modèle 3, où la main-d'œuvre est divisée par un facteur 4.
Il est évident que des exemples où les deux politiques seraient appliquées conjointement est une suite souhaitable à l'exercice de modélisation présenté dans ce texte.
Annexe
Les trois propositions du crédit social
C'est en trois propositions que C. H. Douglas a synthétisé les principes de la réforme qu'il préconise en réponse aux défauts du système des prix (Douglas 1924b, 1930a, 1930b, 1934). Il est intéressant de noter que Douglas affirme que ces principes sont valables non seulement dans le contexte économique du moment où il les a énoncés, mais aussi dans le contexte d'une économie beaucoup plus développée (Douglas 1930a, p.307):
"Les crédits d'achat entre les mains de la population d'un pays doivent en tout temps être collectivement égaux aux prix collectifs à payer à la caisse pour les biens consommables mis en vente dans ce pays (sans tenir compte des prix comptables de ces biens) et ces crédits d'achat ne doivent être annulés ou dépréciés que lors de l'achat ou de la dépréciation des biens de consommation.
Les crédits nécessaires pour financer la production doivent provenir, non pas d'épargnes, mais être des nouveaux crédits se rapportant à de la nouvelle production, et ces crédits ne doivent être rappelés que selon le rapport de la dépréciation générale à "l'appréciation" générale.
La distribution des crédits d'achat aux individus doit progressivement être moins dépendante de l'emploi. C'est-à-dire que le dividende doit progressivement remplacer le traitement et le salaire, à mesure qu'augmente la capacité productive par heure-personne."
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MODÈLE 1
Une économie de cueilleurs
de fruits et de céréales
avec main-d'oeuvre mais sans capital
Niveau des prix = 2
[1] POP = 240
[2] LS = 160
[3] XSD := XD = 1000
[4] VAD := v XSD = 0,8 × 1000 = 800
[5] S := Pv α VA = 2 × 1 × 800 = 10
L 160
[6] LD := Pv α VAD = 2 × 1 × 800 = 160
S 10
[7] L := LD = 160
[8] K := KD = 0
[9] VA := A Lα = 5 × 1601 = 800
[10] CI := d VA = 0,2 × 800 = 200
v 0,8
[11] XS := CI = 200 = 1000
d 0,2
[12] DI := CI = 200
[13] P := PXD = 2000 = 2
XS 1000
[14] PXS := P XS = 2 × 1000 = 2000
[15] YM := S L = 10 × 160 = 1600
[16] C := γ YM = 0,9 × 1600 = 720
P 2
[17] SM := φ YM = 0,1 × 1600 = 160
[18] IT := SM = 160
[19] INV := IT = 160 = 80
P 2
[20] XD := DI + C + INV = 200 + 720 + 80 = 1000
[21] PDI := P DI = 2 × 200 = 400
[22] PC := P C = 2 × 720 = 1440
[23] PINV := P INV = 2 × 80 = 160
[24] PXD := PDI + PC + PINV = 400 + 1440 + 160 = 2000
[25] PCI := PDI = 400
[26] PVA := PXS − PCI = 2000 − 400 = 1600
[27] Pv := PVA = 1600 = 2
VA 800
[28] R := 0
Politique de l'escompte compensé
[29] DSCR := PC + P c CI = 1440 + 2 × 0,1 × 200 = 1480 = 0,74
PXS 2000 2000
[30] JPC := DSCR × S L = 0,74 × 10 × 160 = 0,74 × 1600 = 1184
[31] DSC := PC − JPC = 1440 − 1184 = 256
[32] CMP := DSC = 256
MODÈLE 2
Une économie agricole
avec main-d'oeuvre et capital
Gain de productivité traduit en production multipliée par 4
Niveau des prix = 2
[1] POP = 240
[2] LS = 160
[3] XSD := XD = 4000
[4] VAD := v XSD = 0,8 × 4000 = 3200
[5] S := Pv α VA = 2 × 0,25 × 3200 = 10
L 160
[6] LD := Pv α VAD = 2 × 0,25 × 3200 = 160
S 10
[7] L := LD = 160
[8] K := KD = 600
[9] VA := A Lα K1-α = 7,4 × 1600,25 × 6000,75 = 3200
[10] CI := d VA = 0,2 × 3200 = 800
v 0,8
[11] XS := CI = 800 = 4000
d 0,2
[12] DI := CI = 800
[13] P := PXD = 8000 = 2
XS 4000
[14] PXS := P XS = 2 × 4000 = 8000
[15] YM := S L + R K = 10 × 160 + 8 × 600 = 1600 + 4800 = 6400
[16] C := γ YM = 0,9 × 6400 = 2880
P 2
[17] SM := φ YM = 0,1 × 6400 = 640
[18] IT := SM = 640
[19] INV := IT = 640 = 320
P 2
[20] XD := DI + C + INV = 800 + 2880 + 320 = 4000
[21] PDI := P DI = 2 × 800 = 1600
[22] PC := P C = 2 × 2880 = 5760
[23] PINV := P INV = 2 × 320 = 640
[24] PXD := PDI + PC + PINV = 1600 + 5760 + 640 = 8000
[25] PCI := PDI = 1600
[26] PVA := PXS − PCI = 8000 − 1600 = 6400
[27] Pv := PVA = 6400 = 2
VA 3200
[28] R := PVA − S L = 6400 − 10 × 160 = 6400 − 1600 = 4800 = 8
K 600 600 600
Politique de l'escompte compensé
[29] DSCR := PC + P 1/k K + P c CI = 5760 + 2 × 1/20 × 600 + 2 × 0,1 × 200
PXS 8000
= 5760 + 60 + 40 = 5860 = 0,7325
8000 8000
[30] JPC := DSCR × S L = 0,7325 × 10 × 160 = 0,7325 × 1600 = 1172
[31] DSC := PC − JPC = 5760 − 1172 = 4588
[32] CMP := DSC = 4588
MODÈLE 3
Une économie agricole
avec main-d'oeuvre et capital
Gain de productivité traduit en main-d'œuvre divisée par 4
Niveau des prix = 2
[1] POP = 240
[2] LS = 160
[3] XSD := XD = 1000
[4] VAD := v XSD = 0, 8 × 1000 = 800
[5] S := Pv α VA = 2 × 0,25 × 800 = 10
L 40
[6] LD := Pv α VAD = 2 × 0,25 × 800 = 40
S 10
[7] L := LD = 40
[8] K := KD = 600
[9] VA := A Lα K1-α = 4,6 × 400,25 × 6000,75 = 800
[10] CI := d VA = 0,2 × 800 = 200
v 0,8
[11] XS := CI = 200 = 1000
d 0,2
[12] DI := CI = 200
[13] P := PXD = 2000 = 2
XS 1000
[14] PXS := P XS = 2 × 1000 = 2000
[15] YM := S L + R K = 10 × 40 + 2 x 600 = 400 + 1200 = 1600
[16] C := γ YM = 0,9 × 1600 = 720
P 2
[17] SM := φ YM = 0,1 × 1600 = 160
[18] IT := SM = 160
[19] INV := IT = 160 = 80
P 2
[20] XD := DI + C + INV = 200 + 720 + 80 = 1000
[21] PDI := P DI = 2 × 200 = 400
[22] PC := P C = 2 × 720 = 1440
[23] PINV := P INV = 2 × 80 = 160
[24] PXD := PDI + PC + PINV = 400 + 1440 + 160 = 2000
[25] PCI := PDI = 400
[26] PVA := PXS − PCI = 2000 − 400 = 1600
[27] Pv := PVA = 1600 = 2
VA 800
[28] R := PVA − S L = 1600 − 10 × 40 = 1600 − 400 = 1200 = 2
K 600 600 600
Politiques de l'escompte compensé et du dividende national
[29] DSCR := PC + P 1/k K + P c CI = 1440 + 2 × 1/20 × 600 + 2 × 0,1 × 200
PXS 2000
= 1440 + 60 + 40 = 1540 = 0,77
2000 2000
[30] JPC := DSCR × S L = 0,77 × 10 × 40 = 0,77 × 400 = 308
[31] DSC := PC − JPC = 1440 − 308 = 1132
[32] CMP := DSC = 1132
[33] SDIV := PVA − S L = 1600 − 400 = 1200 = 5
POP 240 240
Les variables et paramètres des modèles
C : consommation des ménages (unités/année);
CI : consommation intermédiaire (unités/année);
DI : demande en intrant intermédiaire (unités/année);
INV : demande d'investissement de capital (unités/année);
IT : dépense d'investissement total (unités numéraires/année);
K : stock de capital (années-capital);
KD : demande de capital (années-capital);
L : stock de main-d'oeuvre (années-personne);
LD : demande de main-d'oeuvre (années-personne);
LS : offre de main-d'oeuvre (années-personne);
P : prix de vente du produit (unités numéraires/unité);
PC : ventes aux ménages en produit évaluées à prix courant
(unités numéraires/année);
PCI : consommation intermédiaire évaluée à prix courant
(unités numéraires/année);
PDI : achats en intrant intermédiaire évalués à prix courant
(unités numéraires/année);
PINV : ventes d'investissement de capital évaluées à prix courant
(unités numéraires/année);
POP : population (personnes);
Pv : prix de la valeur ajoutée (unités numéraires/unité);
PVA : valeur ajoutée évaluée à prix courant (unités numéraires/année);
PXD : ventes en produit évaluées à prix courant (unités numéraires/année);
PXS : production évaluée à prix courant (unités numéraires/année);
R : taux de rendement du capital (unités numéraires/année-capital/année);
S : taux de salaire (unités numéraires/année-personne/année);
SM : épargne des ménages (unités numéraires/année);
VA : valeur ajoutée (unités/année);
VAD : valeur ajoutée désirée (unités/année);
XD : demande totale du produit (unités/année);
XS : production (unités/année);
XSD : production désirée du produit (unités/année);
YM : revenu des ménages (unités numéraires/année);
A : constante de niveau de la valeur ajoutée (>0) (= 5 dans le modèle1)
(= 7,421753823 dans le modèle 2) (= 4,666180682 dans le modèle 3);
c : coefficient du volume d'intrants intermédiaires consommés de façon finale
durant la production d'une unité du produit (0< c <1);
d : coefficient du volume d'intrants intermédiaires nécessaire à la production
d'une unité du produit (0< d <1);
k : durée de vie moyenne du capital (années);
v : coefficient de valeur ajoutée de la production (0< v <1), avec v + d = 1;
α : élasticité de la valeur ajoutée par rapport à l'utilisation de la main-d'œuvre
(0< α <1);
1-α : élasticité de la valeur ajoutée par rapport à l'utilisation du capital;
γ : part budgétaire allouée par les ménages à la consommation du produit
(0≤ γ ≤1), avec γ + φ = 1;
φ : propension marginale (moyenne) à épargner des ménages (0≤ φ ≤1).
vendredi 6 novembre 2009
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