mardi 6 mai 2008

Scandale des dioxines aux USA


Politisation croissante de l'Agence de protection environnementale des États-Unis

Louis-Gilles Francoeur
Édition du lundi 05 mai 2008

Mots clés : administration Bush, Agence de protection environnementale, Climat, États-Unis (pays)

Comme à l'époque de Ronald Reagan, la fin de règne de l'administration Bush sera marquée par une perte de crédibilité majeure de l'Agence de protection environnementale (Environmental Protection Agency ou EPA), cette perle des institutions politiques des États-Unis, autour de laquelle se multiplient depuis quelque temps les scandales.

Le dernier en date est survenu la semaine dernière, alors que la responsable en chef du bureau régional du Midwest, situé à Chicago, Mary Gade, a démissionné de son poste pour avoir trop insisté pour que la Dow Chemical nettoie trois sites contaminés à la dioxine par ses installations après des années de tergiversations.

Selon les déclarations de Mary Gade à The Tribune, un quotidien de Saginaw, au Michigan, deux adjoints de l'administrateur de l'agence fédérale lui ont clairement indiqué que c'était sa démission ou un renvoi pur et simple le 1er juin. La Tribune de Saginaw a obtenu toute une série de documents de l'EPA par la loi d'accès à l'information fédérale qui démontrent que Dow Chemical a fait d'importantes pressions sur l'administration Bush et l'administrateur de l'EPA, Stephen Johnson, en raison de l'insistance de l'ancienne procureure de grandes sociétés multinationales, comme Dow. Contre toute attente, Mme Gade a tenu à faire décontaminer une rivière polluée à la dioxine entre l'usine de Dow à Midland, au Michigan, et la baie de Saginaw, au lac Huron.

Mary Gade avait invoqué l'été dernier ses pouvoirs spéciaux pour forcer Dow Chemical à nettoyer au moins trois secteurs contaminés, dont un affichait des concentrations de 1,6 million de parties par billion, soit la plus forte concentration de dioxines jamais mesurée aux États-Unis, en incluant Love Canal et Times Beach, une ville contaminée qui a dû être évacuée et rasée dans les années 80. Dow, selon le Tribune, aurait essayé de s'en tirer avec un nettoyage moins coûteux, mais Mary Gade a rompu les pourparlers en janvier en l'accusant de compromettre la sécurité publique et les équilibres écologiques. C'est alors que Dow a décidé d'intercéder auprès de Washington pour se plaindre de la trouble-fête.

La dioxine fait partie des 12 toxiques dont l'élimination totale fait l'objet d'un traité international. Cette molécule est réputée cancérigène et capable d'altérer le code génétique. L'EPA le reconnaît aujourd'hui après deux décennies de déni alors que faisait rage la bataille des vétérans du Vietnam contaminés à l'Agent Orange, un mélange de deux pesticides contenant des dioxines, que l'armée américaine a épandu par avion sur le Nord-Vietnam. Dow Chemical savait depuis les années 60 que la dioxine constituait un des pires poisons jamais inventés par les humains, mais, comme d'autres multinationales, elle a minimisé, voire nié les preuves qui s'accumulaient.

Encore tout récemment dans sa bataille contre Mary Gade, elle prétendait, notait The Tribune, que les poêles à bois et les feux de forêt plutôt que ses installations avaient contaminé le cours d'eau, que les gens n'étaient pas vraiment menacés par les dioxines sauf s'ils mangeaient la terre contaminée et que, de toute façon, ils s'en tireraient tout au plus avec une dermatite de type chlore-acné.

L'administratrice démissionnaire du bureau de l'EPA dans le Midwest a déclaré aux journaux locaux qu'en tant que responsable de l'application de la loi, elle avait la responsabilité de défendre l'intégrité et la sécurité de la population et de l'environnement. «Le problème, a-t-elle ajouté, est là depuis plus de 30 ans, et il est inadmissible que rien n'ait encore été fait».

«Nous savons de notre côté que Dow est responsable. La question maintenant est de savoir quand quelque chose commencera à changer sur le terrain», a confirmé de son côté Ralph Dollhopf, directeur associé du bureau régional du Superfund des États-Unis. Le Superfund est alimenté par des versements des entreprises polluantes pour permettre de nettoyer les sites orphelins les plus contaminés.

Une enquête troublante

D'autre part, une enquête menée auprès de milliers de chercheurs et scientifiques de l'EPA l'automne dernier a révélé, il y a un peu plus d'une semaine, que des centaines d'entre eux affirment avoir été l'objet de pressions politiques pour modifier les conclusions de leurs analyses ou pour tripoter les données de leurs recherches.

Cette enquête a été réalisée par la Union of Concerned Scientists. Ce groupe a fait parvenir des questionnaires en ligne à 5500 scientifiques de l'EPA. Il a reçu 1586 réponses, et la majorité des répondants avaient plus de 10 ans d'expérience dans cette institution qui est l'équivalent de notre ministère fédéral de l'Environnement, à une différence majeure près: l'EPA a été conçue pour échapper à la courte vision électoraliste des politiciens, et ses décisions sont en principe dictées par la loi et fondées sur la meilleure science disponible. Mais depuis 25 ans, la Maison-Blanche a neutralisé cette indépendance par des nominations éminemment politiques.

Selon le sondage, 60 % des répondants -- 889 en tout -- ont affirmé avoir été l'objet de pressions de la part de leurs supérieurs hiérarchiques pour atténuer leurs conclusions lorsqu'ils analysent des projets ou lorsqu'ils conçoivent des règlements.

Près de 400 chercheurs ont affirmé avoir été témoins d'interprétations partiales de leurs recherches par leurs supérieurs. Et 284 ont affirmé avoir été témoins «d'une utilisation sélective ou incomplète de données de recherche aux fins de justifier une conclusion réglementaire». Enfin, 224 scientifiques ont dit avoir été incités à «exclure de façon inappropriée ou à altérer des informations techniques» dans des documents officiels. Plus de 200 ont aussi affirmé s'être retrouvés dans des situations où eux-mêmes ou des collègues ont dû présenter des objections ou devoir démissionner de différents projets «en raison des pressions exercées pour modifier des constats scientifiques».

La direction de l'EPA a vu dans ce sondage l'expression de la «passion» qui anime ses chercheurs dans leur travail. Au début de l'automne dernier, elle avait diffusé le mot d'ordre de ne pas toucher à ce questionnaire. Mais elle s'est finalement ravisée et a permis aux chercheurs d'y répondre «en dehors de leurs heures de travail».

Climat

Dans les derniers mois, l'EPA a été durement prise à partie par les tribunaux américains et le Congrès, qui lui ont reproché de ne pas avoir accouché d'une réglementation sur les gaz à effet de serre alors que le contrôle du climat est un problème d'environnement qui doit faire l'objet d'une politique fédérale et de règlements, en vertu de la loi sur la qualité de l'atmosphère.

L'administrateur fédéral, Stephen Johnson, s'est par ailleurs fait reprocher de n'avoir pas approuvé le règlement sur les émissions de GES du parc automobile des 13 États qui, à l'instar de la Californie, ont décidé de limiter les émissions des voitures. D'études en délais, ces tergiversations ont permis à l'administration Bush de promulguer une réglementation qui atteindra en partie et avec quatre années de retard celle que les 13 États voulaient adopter et qu'ils veulent toujours faire approuver pour devancer l'échéancier fédéral.

Avec The Tribune et Associated Press

Le Devoir


Vos réactions


Interrogations - par Jean-Pierre Audet (jean.pierre.audet@videotron.ca)
Le lundi 05 mai 2008 13:00

Pour pouvoir mieux contrôler - par Michel Thibault
Le lundi 05 mai 2008 11:00

Le discours sur le climat est politique depuis le début - par Fernand Trudel (trudel.f@videotron.ca)
Le lundi 05 mai 2008 10:00

Inquiétant de savoir que les gens honnêtes se font congédier aux USA comme au Canada - par lise jacques
Le lundi 05 mai 2008 08:00

Encore des pertes - par Gérald Tremblay (geraldbtremblay@videotron.ca)
Le lundi 05 mai 2008 07:00

Dow = Bhopal... - par Bertrand Leger
Le lundi 05 mai 2008 07:00

Le controle du climat? Baliverne! - par Dominic Pageau
Le lundi 05 mai 2008 04:00

L'administration Bush veut durcir les normes de plomb dans l'air
AFP -
WASHINGTON (AFP) — L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a annoncé jeudi son intention de durcir fortement les normes de plomb dans ...



--

Avec mes meilleures salutations.

François de Siebenthal

http://www.non-tridel-dioxines.com/
http://www.m-c-s.ch/ et
www.pavie.ch/mobile
www.pavie.ch

Aucun commentaire:

Archives du blog